Les ballons de Vaugirard

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 Des engins et des hommes

Lorsque la guerre éclate le 18 juillet 1870, il existe un groupe d’aérostiers convaincus et chevronnés qui voient rapidement l’intérêt que présente l’emploi des ballons dans le domaine de l’observation militaire, reprenant en cela l’expérience des utilisations antérieures à Fleurus et à Mayence. Avant même la déclaration officielle des hostilités par la France à la Prusse, dès le 15 juillet, Eugène Godard se met à la disposition du ministre de la Guerre avec son matériel. Le lendemain 16 juillet, Louis Godard, frère du précédent, écrit au même ministre pour lui rappeler l’existence du ballon “l’Impérial” dont il est le constructeur, en dépôt au garde-meuble militaire. Les deux frères Godard sont des pionniers de cette disci­pline, d’abord en montgolfière dès 1848, puis pour un très grand nombre d’ascensions captives, en France, dans toute l’Europe et même en Egypte à l’inauguration du canal de Suez. L’Impérial, construit en 1859 à la demande et aux frais de l’empereur, afin de servir d’observatoire pour l’armée d’Italie qui ne l’utilisa pas car arrivé trop tard après la victoire de Solférino et juste avant l’armistice signé à Villa-Franca, comporte une double enveloppe de soie vernissée, solution originale, ingénieuse et efficace. Il a eu son heure de gloire le 15 août 1864, décoré des aigles impériales pour la fête de l’empereur et n’a plus servi depuis.

WFonvielbisLe 19 juillet 1870, ce sont James et Charles Chavoutier, deux frères architectes passionnés d’aérostation, qui écrivent à l’empereur pour lui demander la création d’un corps d’aérostiers militaires. Wilfrid de Fonvielle se joint à eux. Toutes ces lettres restent sans réponse.

W. de Fonvielle, né à Paris en 1826, doué pour les sciences mathématiques et physiques, ardent républicain et, de ce fait, farouche adversaire de l’empereur, exilé après le coup d’Etat de 1851, est devenu écrivain et chroniqueur scientifique de plusieurs journaux, dont “La Liberté”. Il est venu tardivement à l’aérostation, passé la quarantaine, surtout à des fins d’observations et d’expériences scientifiques. Il est à l’origine de la première ascension nocturne astronomique pour l’examen d’étoiles filantes, et se lie avec les frères Gaston et Albert Tissandier en vue de poursuivre ses recherches. Nous retrouverons ce personnage d’exception étroitement lié à l’histoire des ballons de Vaugirard.

Lorsque les désastres se succèdent à partir du 18 août 1870, défaite de Gravelotte, encer­clement de Metz..., devant l’inertie des pouvoirs publics, le plus célèbre des aéronautes, Gaspar Félix Tournachon, plus connu sous le nom de “NADAR”, journaliste, écrivain, carica­turiste, et surtout photographe, décide de signer une convention privée avec deux amis, Camille Legrand dit Dartois et Jules Dufour dit Duruof (anagramme de son nom), donnant naissance à un corps “militaire” d’aérostiers. Une personnalité hors du commun, ce Nadar. Pionnier de l’aérostation, il se passionne d’emblée pour des projets d’ascension, aidé en cela par le nouveau maire du 18ème arrondissement, Georges Clemenceau, d’abord à des fins d’observation. A cet effet, la place Saint-Pierre est mise à sa disposition.

Un autre poste est installé par les frères Eugène et Jules Godard, eux-mêmes aéronautes chevronnés de l’époque, près du Parc Montsouris. En même temps, les deux frères Chavoutier et W. de Fonvielle adressent au général Trochu, gouverneur militaire de Paris, une lettre rappelant l’utilité des ballons et mettant à la disposi­tion de la ville le “Céleste”, petit ballon de 650 m3.

A partir du 4 septembre 1870, date de la reddition de Napoléon III à Sedan et de la formation d’un gouvernement dit de “Défense Nationale”, une grande effervescence règne dans le petit monde des aéronautes.

Le 12 septembre, Gabriel Mangin, un aéronaute de trente quatre ans qui possède un ballon récent “l’Union” de 1100 m3, adresse une lettre au maire de Paris, Etienne Arago, pour lui proposer de survoler les lignes ennemies. Apparemment, cette offre reste sans réponse.

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