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Hommage à Suzanne Crepin

Formation et influences

« Pour inventer, l’esprit a besoin d’excitant. Le danger, les voyages, l’amour, la surprise renouvellent l’imagination. C’est par la pression de l’événement, le coup de force de la nécessité, l’explosif d’un tourment que l’impossible devient réalité, puis tradition. Presque tous les perfectionnements sont venus de la douleur, des crises, des obstacles. » J. Chardonne


Comme nous l’avons dit plus haut, Suzanne Crepin semble tenir son art, tout comme sa sœur Madeleine qui était une excellente portraitiste (portrait dessiné par Madeleine) de son père mais elle possède indéniablement un goût sûr et passionné pour le dessin qu’elle semble pratiquer d’ailleurs sans efforts. Ses croquis sont souvent justes, précis et déjà, il s’en dégage la force qu’aura l’œuvre définitive. L’autorité du crayon s’impose dans le moindre croquis, le trait est affirmé, va à l’essentiel, caractérise souvent avec humour, parfois en caricaturant.

Son style très personnel est un signe évident de son talent. Elle a un œil particulièrement acéré et critique qui lui permet de « voir » la gestuelle, la drôlerie ou la richesse d’une composition, allié à une main sûre et précise.

Il n’y a pas chez elle de combat intérieur laborieux, de recherche de style, de nécessité de copier d’autres artistes pour comprendre, pour ressentir. La poésie de ses dessins et la maîtrise de ses compositions semblent s’inscrire sur le papier sans effort ; seule son exigence personnelle est maître.

 

Elle fera pourtant une tentative au cours »Jullian » ouvert aux dames mais s’en sauvera bien vite, affolée par l’académisme et le côté laborieux qui pour elle sont étrangers à la poésie de l’art. Ce qui n’est pas spontané et ressenti ne vaut pas la peine d’être dessiné.

On peut toutefois noter le fait qu’étant à Paris, Suzanne Crepin était sinon au cœur mais en tout cas dans l’ambiance de l’époque de ce Paris « ruche » bruyante et cosmopolite dans lequel s’excitait une pépinière de jeunes peintres talentueux. Gauguin était passé par là, laissant un héritage bien lourd à tous ces artistes à la recherche de l’art absolu : mais il avait beaucoup exploré pour lui et pour eux, pour l’avenir.

Suzanne est indéniablement marquée par l’œuvre de Gauguin, on retrouve chez elle cette maîtrise de l’aplat cerné. Elle procède par « oubli » sur la toile donnant ainsi une profondeur et une douceur particulière à son dessin.

La composition particulière de ses tableaux et dessins avec un décor prépondérant mais dénudé au maximum rappelle souvent le travail du peintre Maxime Maufra.

Enfin, on trouve chez elle une inspiration japonisante évidente dans certaines de ses œuvres. On rappellera à l’exemple de Gauguin mais bien d’autres aussi, Monet par exemple ou de grands collectionneurs, que l’air du temps est au japonisme : on redécouvre et l’on décortique l’art japonais, on y admire la couleur, la maîtrise du trait, la douceur des compositions, le raffinement des sujets…

Suzanne Crepin n’est évidemment pas insensible à cette vague culturelle japonisante qui coïncide aussi avec l’orientalisme. On le répète, ce début de XXème siècle est une ébullition sociale et culturelle, tous les schémas classiques du siècle passé commencent à voler en éclat et tous cherchent un monde nouveau.

Pour chercher, il faut sortir de son univers, voyager, observer les autres peuples, comprendre et adapter ensuite à sa propre culture ou personnalité. C’est pour cela qu’elle part dès que possible telle une aventurière, tout d’abord avec Madeleine en Europe mais aussi en Bretagne avec sa famille. Il ne faut pas oublier que la Bretagne au début du Xxème siècle est aussi un monde pittoresque en marge de la modernité ; tout y est encore à l’état brut.

Lorsqu’en 1900, Pierre Boursy se voit proposer un poste au Maroc, on comprend maintenant beaucoup mieux la motivation et la détermination des deux sœurs à partir à la découverte de ce nouveau monde. Pour elles, non pas un monde à conquérir mais à découvrir simplement à la suite des artistes ou écrivains qui les ont fait rêver sûrement, les Delacroix, Loti et beaucoup d’autres.

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