As-tu parfois songé au sein de ta famille,
Où tu vis honoré, aimé, heureux enfin,
Réchauffé chaque jour par les rayons d'or fin
Du beau soleil français qui pour toi toujours brille
As-tu songé à ceux qui délaissent l'amour
L'amitié, le bonheur, tous les biens de la terre,
S'en vont chercher bien loin une gloire éphémère
Puisque leur souvenir ne dure pas un jour ?
Et pourtant il en est de ces héros sublimes
Et leur nombre effrayant ne peut être compté
Brûlant leur sang d'un soleil indompté
Martyrs obscurs, mais grands en vertus magnanimes.
Hier encor joyeux, le coeur plein d'espérances,
Deux hommes, deux enfants allaient à l'ennemi,
Un ennemi cruel, implacable et parmi
Cent tigres affamés de sang et de vengeance
C'était deux officiers de la belle marine française
Qui devaient reconnaître un terrain
Semé de poudrières, sans route et sans chemin.
Pris par les pirates, malveillante vermine,
Ils ne revenaient pas, on attendit deux jours
Erraient partis parmi ces poudrières
Et on les attend encor, on attendra toujours.
Ils furent retrouvés, hélas, comme on peut croire
Un spectacle effrayant aux yeux de leurs soldats
Coupés, déchiquetés, sanglants, partout meurtris,
Ils étaient là ! gisant dans la boue toute noire
Et tu ne connaîtras pas même leurs noms
Egoïste Français que le bonheur aveugle
Tu connais bien celui d'un cabotin qui beugle
une chanson obscène...
Des héros ! A quoi bon ?
Parmi les mamelons brûlés par le soleil,
Si le hasard voulait qu'un jour tu te promènes
A Bin Din, Da Kao, Cholen dans la plaine
Semée de monticules, tu resterais troublé
Pourtant tu foulerais le corps d'un de tes frères,
Tombé pour la Patrie, qui est là enterré
Sans croix, sans nom, sans rien et toujours ignoré.
Pauvres martyrs fauchés dans votre humble carrière
Lorsque de ces héros tombés à Caron ti vialle
Les mères et les soeurs déploreront la perte
La France aura au coeur une plaie grande ouverte
Et leurs plaintes mêlées se perdront au vent
France, ma belle France, à tous ceux qui t'insultent,
Et disent à voix basse que tu peux avoir peur
Tu peux bien leur montrer de quelle sainte ardeur
Brûlent tes coloniaux, comme leurs coeurs exultent
Ils affrontent partout la mort en souriant
Ils l'ont déjà prouvé dans le feu des batailles
Ceux là qui des géants ont dépassé la taille
Que le soldat français peut mourir en chantant !
Veux-tu savoir comment sous les plis du drapeau
Tous ces enfants chéris s'en vont donner leur peau
Ecoute le voici : Honni soit qui le vaille
France : veux-tu mon sang ? Il est à toi.
Si tu veux ma souffrance ? Souffrir sera ma loi.
Si tu veux ma mort ? Mort à moi !
Et vive ton drapeau : Oh ma belle France
Accorde ton souvenir à d'autres belles morts
Et garde dans ton coeur comme en un livre d'or
Le nom de ces héros
Tombés pour ton drapeau.
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