Je demande pardon à tous mes frères d'armes,
Si je viens obscurcir ces rayons de gaieté
En jetant un regard mouillé de chaudes larmes
Sur ceux qui sont tombés dans l'assaut de la cité.
"La mort répand le nom" a dit un grand poète
Et l'on ceint aujourd'hui d'une auréole d'or
Le nom d'un fier soldant dont la tombe muette
Ne saura plus demain où le brave repose.
Celui qui meurt frappé par une balle ennemie
Luttant pour son pays contre l'envahisseur
Défendant pied à pied le sol de la patrie
Comme un lion défend son repaire aux chasseurs
Oh ! celui-là son nom cria de bouche en bouche
Chacun ira jeter des fleurs sur son cercueil
Et quand il dormira dans sa superbe couche
Le siens désigneront sa tombe avec orgueil.
Mais vous pauvres artilleurs endormis dans la brousse
Jeunes héros frappés par de lâches guerriers
Jamais sur votre tombe où le grand héroïsme
On ne verra venir une mère prier
Seuls les arbres criblés de balles meurtrières
Diront qu'ici se sont livrés des combats
Et dans les mamelons et les vastes clairières
Nul ne trouvera la trace de vos pas
Et je ne veux pas que dans la nuit profonde
Restent ensevelis vos noms. Oh, fiers guerriers
Puisse ma voix s'entendre jusqu'à l'autre bout du monde
Et les pages couvrir vos tombes de lauriers
Toi Vigneron : devant ton courage s'incline
Car tiens le feu troublant n'a pas pâli
Et si quelqu'un dit qu'en ta large poitrine
Ton coeur battit trop vite il mentit
Cependant ton coeur était trop grand pour cette terre
Que voulais-tu de plus que cette croix d'honneur
Un tombeau de soldat fut ta gloire dernière
Sois content le drapeau de la France est vaiqueur
Toi qui frémis le sauvage rebelle
Oh ! Beiquet tu voulais à toi seul prendre un fort
Tu savais bien pourtant que la balle mortelle
Sur tes yeux bleus ferait planer la mort
Vous tous enfin couchés dans les forêts immenses
O bons soldats plus grands que n'étaient les Romains
Jamais Oh jamais l'étendard de la France
N'avait été remis en d'aussi belles mains
Que tous les oiseaux bleus de ce lointain bocage
Donnent en votre honneur le plus brillant concert
Et que le tigre au regard flamboyant et sauvage
Soit votre gardien sous les grands arbres verts
Et maintenant avant de quitter cette terre
Pour la dernière fois amis je viens à vous
Et rêvant tristement sur vos tombeaux sans prière
Je vous bénis au nom d'une mère à genoux.
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